En 1920, l’École des infirmières diplômées de McGill, deuxième programme universitaire de sciences infirmières au Canada (l’UBC a ouvert son école en 1919), accueillait ses premières étudiantes. L’école a ouvert ses portes dans l’ombre de la Première Guerre mondiale et de la pandémie de grippe de 1918, des événements dévastateurs qui ont eu un effet catalyseur sur la profession infirmière. Avec les changements en santé publique et les progrès rapides en matière de soins médicaux, les chefs de file en soins infirmiers savaient que la formation des infirmières devait être modernisée pour combler les nouveaux besoins.
Écoles hospitalières
Bien que les infirmières aient toujours suivi une certaine formation, souvent au sein des ordres religieux qui dirigeaient les hôpitaux, les premières écoles d’infirmières canadiennes officielles sont apparues dans les années 1870. Elles s’inspiraient de l’approche de Florence Nightingale, pionnière de l’enseignement des sciences infirmières. La méthode Nightingale mettait l’accent sur une formation pratique, en milieu hospitalier, supervisée par les sœurs des salles de soins, complétée par des cours de médecine dispensés par des médecins. Une prise de notes méticuleuse, une formation en éthique médicale et des conditions de vie décentes, incluant les repas et le logement pour les étudiantes, faisaient aussi partie des autres éléments importants de cette méthode. La première école de ce type au Québec a ouvert ses portes à l’Hôpital général de Montréal en 1890. L’une de ses stagiaires, Flora Shaw, deviendra sa première infirmière enseignante à plein temps, avant d’être la directrice fondatrice de l’École des infirmières diplômées.
Aller de l’avant
Dans les années 1910, il est devenu évident pour plusieurs membres de la profession qu’une formation universitaire était nécessaire, du moins pour les personnes qui allaient former les élèves en soins infirmiers dans les écoles hospitalières. « Les infirmières savaient qu’il valait mieux ne pas promouvoir l’enseignement universitaire pour toutes les infirmières à cette époque », écrit l’historienne canadienne des soins infirmiers Lynn Kirkwood*. « Elles ont plutôt choisi d’y aller en douceur et de se contenter d’un enseignement universitaire pour un petit groupe d’infirmières… créant un système à deux vitesses dans la profession et deux cultures de soins infirmiers – la culture professionnelle, ancrée dans l’éducation et la science, et une culture artisanale, ancrée dans les compétences domestiques » [notre traduction].
Elles ont d’abord dû créer les programmes. « Jusqu’en 1919, les infirmières canadiennes qui souhaitaient poursuivre leurs études devaient aller aux États-Unis », note Barbara Tunis dans son histoire de la profession infirmière à McGill**. « Un grand nombre d’entre elles ne sont pas revenues au Canada. » Elle poursuit :
Dans le sillage des États-Unis qui, en 1909, ont créé leur premier programme de base en soins infirmiers affilié à une université et qui, en 1918, comptaient vingt et une écoles affiliées à des universités, les infirmières enseignantes du Canada ont commencé à demander l’admission des infirmières dans les établissements d’enseignement supérieur canadiens. [notre traduction]
Parmi elles, Grace Fairley et Mabel Hersey, leaders montréalaises en soins infirmiers, qui ont obtenu le soutien du doyen de la Faculté de médecine de McGill, le Dr Herbert Birkett. Le Dr Birkett avait mis sur pied l’Hôpital général canadien no. 3 (McGill) en France pendant la Première Guerre mondiale. Il y commandait un groupe de professionnels médicaux de haut niveau sélectionnés dans les hôpitaux affiliés à McGill, dont des infirmières intendantes et militaires.
Rapide croissance
La première cohorte de l’École était petite et se composait de 15 étudiantes : six dans la filière des services de santé publique et neuf dans la filière d’enseignement et de supervision dans les écoles d’infirmières. La majorité des infirmières ont poursuivi leur formation dans les écoles hospitalières. De 1920 à 1957, l’École a proposé des programmes de certificat et de baccalauréat créés pour les infirmières diplômées des écoles hospitalières. En 1941, elle a été intégrée à la Faculté de médecine et, en 1944, une licence de deux ans en soins infirmiers pour les infirmières autorisées a été proposée. Puis, en 1957, on a ajouté le programme de baccalauréat en sciences infirmières, suivi peu après, en 1961, du nouveau programme de maîtrise ès sciences appliquées en sciences infirmières.
Recherche et innovation
Les activités de recherche de l’École se sont également développées à cette époque et, en 1969, la première revue de recherche en soins infirmiers du Canada (aujourd’hui la Revue canadienne de recherche en sciences infirmières) a été fondée à McGill. Avec l’avènement de l’universalité des soins de santé, les responsables des sciences infirmières de McGill ont vu une occasion de repenser le rôle de l’infirmière. De ces réflexions est née une approche novatrice de soins infirmiers centrée sur le patient, connue sous le nom de Modèle McGill des soins infirmiers. Aujourd’hui connu sous le nom de « soins infirmiers fondés sur les forces », ce modèle a été adopté partout au Canada et dans le monde.
Les cégeps apportent un vent de changement
L’avènement des cégeps a entraîné plusieurs changements dans les programmes de soins infirmiers au Québec. En 1972, les programmes de soins infirmiers en milieu hospitalier de la province ont été fermés et le baccalauréat en sciences infirmières de McGill a été raccourci pour passer de cinq à trois ans. En 1974, on a ajouté une maîtrise ès sciences appliquées à entrée directe, un programme pour les personnes n’ayant pas de formation en sciences infirmières.
Au milieu de tous ces changements, le nom de l’école a aussi changé, devenant en 1973 l’École des sciences infirmières. L’École a introduit le premier programme de doctorat en sciences infirmières au Canada en 1986, et c’est en 1990 qu’a été décerné le premier doctorat en sciences infirmières (à McGill et au Canada). En 2012, l’École des sciences infirmières a été officiellement rebaptisée École des sciences infirmières Ingram, en l’honneur des donateurs Richard et Satoko Ingram.
En 2019, l’École a lancé le premier baccalauréat en sciences infirmières en ligne au Québec, offert en français et en anglais. L’année suivante, l’École a célébré son centenaire. L’année 2020 a également marqué le 200e anniversaire de la naissance de Florence Nightingale et a été déclarée Année internationale des sages-femmes et du personnel infirmier par l’Organisation mondiale de la santé.
Complément d’information :
* Kirkwood, Lynn. « Enough but Not Too Much: Nursing Education in English Language Canada (1874-2000) », dans On all frontiers : four centuries of Canadian nursing, édité par Christina Bates, Dianne Dodd, Nicole Rousseau, Presses de l’Université d’Ottawa, 2005.
** Barbara L. Tunis. « In Caps and Gowns: The History of the School for Graduate Nurses, 1920-1964 », Presses de l’Université McGill, 1966.
Chronologie du centenaire de l’École des sciences infirmières Ingram : découvrez les nombreuses réalisations de l’école de 1920 à nos jours