Malgré des besoins différents de ceux du Département de lettres et sciences humaines et du Département des sciences sociales, le Département des sciences naturelles ne veut pas rompre complètement ses liens avec la Faculté des arts. En 1931, on décide donc de renommer la faculté « Faculté des arts et des sciences », dirigée par deux doyens, un chargé du volet arts et l’autre, du volet sciences. Cet arrangement surprenant, qui présente des risques de conflits et de chevauchements de compétences, dure jusqu’à la fin de la décennie seulement. En 1939, la Faculté des arts et des sciences est divisée en quatre groupes – lettres et sciences humaines, sciences sociales, sciences physiques et sciences biologiques – sous la direction d’un seul doyen.
Au fil de son existence, la Faculté des arts et des sciences connaît d’énormes changements, reflétant l’essor de l’enseignement supérieur, l’apparition de nouvelles disciplines, une plus grande diversité ethnique à Montréal, la Révolution tranquille au Québec et l’effervescence politique et sociale des années 1960. La protestante et anglophone McGill doit s’adapter à de nouvelles réalités. Après la Première Guerre mondiale, alors que le nombre d’étudiants se déclarant de confession juive atteint 25 pour cent à la Faculté des arts, la crainte de la diversité incite les autorités de McGill à exiger des étudiants juifs des normes d’inscription plus élevées, ce qui réduit de moitié ce pourcentage en 1939. Toutefois, après la Seconde Guerre mondiale, la diversité est de plus en plus acceptée.
Depuis 1904, la Faculté a son école d’été en français – la première du genre au Canada – qui plonge les étudiants dans la langue et la culture françaises grâce à des conférences, au théâtre, à l’Église et à des concerts. Ce n’est cependant qu’au début de la Révolution tranquille que la langue et la culture québécoises commencent à faire l’objet d’une attention soutenue. En 1963, le Programme d’études canadiennes‑françaises est créé afin de mieux faire connaître aux anglophones l’histoire et la culture des Canadiens d’origine française. Ces mesures ne suffisent pas à éviter la tenue de l’Opération McGill français, une manifestation qui rassemble plus de 10 000 personnes devant le portail Roddick en mars 1969. Partiellement en réponse à cet événement, d’autres réformes sont mises en œuvre, notamment l’ouverture du Centre d’enseignement du français en 1970 destiné aux étudiants et aux membres de professions libérales souhaitant travailler au Québec.
Les disciplines qui s’intéressent aux cultures autres que britanniques et françaises prennent un essor fulgurant. Dans les années 1950 et 1960, les lettres et sciences humaines assistent à la création du Département d’études russes et slaves, du Département de langues et littératures est-asiatiques, du Département de linguistique, des programmes d’études juives et d’études africaines, de l’Institut d’études islamiques et du Centre d’études sur les régions en développement. Les sciences sociales connaissent également des changements : au fur et à mesure que les disciplines se définissent, des départements distincts sont créés. À l’exemple du Département de sociologie et d’anthropologie, le Département de sciences économiques et de sciences politiques se scinde en deux. La désignation « classique » est finalement abandonnée en 1967, ce qui dégage le Département d’études classiques de l’obligation d’enseigner le latin élémentaire à de grandes classes d’étudiants soulagés par cette décision. Par ailleurs, la taille de la Faculté des arts et des sciences augmente, le nombre d’étudiants passant de 2 500 à 6 000 entre 1950 et 1970.
Comme le Pavillon des arts ne peut plus recevoir autant d’étudiants, on décide de construire le Pavillon Stephen-Leacock (du nom de l’humoriste et professeur titulaire de la Chaire William-Dow en économie politique à McGill). Il s’agit de l’un des nombreux nouveaux bâtiments érigés sur le campus lors des importants travaux de reconstruction réalisés de 1960 à 1975. Le pavillon est construit entre 1962 et 1965 par le cabinet d’architectes ARCOP sur le site de l’observatoire de McGill et d’une moitié du Collège presbytérien (l’autre moitié accueille aujourd’hui le Pavillon Morrice). Au fil des décennies, la Faculté des arts change la vocation d’autres bâtiments ou les occupe partiellement, mais elle mène encore ses principales activités dans le Pavillon des arts et le Pavillon Stephen-Leacock et dans couloir vitré qui les relie.
Les années 1960 sont également marquées par l’instauration de formes de gouvernance plus collégiales (y compris dans les réunions de la Faculté des arts et de ses départements). À la suite de la prise de contrôle de l’association étudiante et de publications comme le McGill Daily par le groupe Étudiants pour la démocratie universitaire au milieu de la décennie, elles connaissent une période inédite de militantisme, dont les étudiants en arts sont le fer de lance. Ces derniers organisent de nombreuses manifestations assises lors de réunions des départements et du Conseil des gouverneurs et occupent les bureaux du principal à maintes reprises pour protester contre la guerre du Vietnam, l’augmentation des droits de scolarité et les dépenses militaires. L’élection d’étudiants au Sénat en 1968 constitue une concession. L’ouverture en 1969-1970 de la Bibliothèque McLennan et de la Bibliothèque Redpath rénovée contribue également à atténuer le radicalisme des étudiants, qui bénéficient désormais d’installations grandement améliorées.