1968 - 1980

Une période de renouvellement

La période s’échelonnant de 1968 à 1980 a été synonyme de renouveau : la Faculté de droit et la communauté étudiante ont connu des changements profonds et se sont engagées sur des voies nouvelles. L’époque fut marquée par un nouveau programme d’études en droit, une grande créativité chez les étudiant.e.s pour faire entendre leur voix et un corps professoral de plus en plus diversifié.

Le coup d’envoi a été l’instauration, en 1968, du Programme National, dont l’objectif était de former des juristes éduqué.e.s dans les deux langues – le français et l’anglais – et dans les deux traditions juridiques – le droit civil et la common law. La période a aussi été marquée par le militantisme étudiant, à maintes reprises couronné de succès, prenant la forme de manifestations. Les étudiant.e.s de la Faculté de droit ont notamment participé activement à la manifestation du Barreau, où furent contestés le faible taux de réussite à l’examen d’admission du Barreau du Québec et la durée des stages.

C’est aussi pendant ces années que la Faculté a embauché ses premières professeures: Jane Glenn, Ethel Groffier (D.C.L. 1972) et Madeleine Cantin Cumyn. Pour la première fois, des femmes allaient enseigner le droit à McGill, et les étudiant.e.s pouvaient côtoyer des modèles féminins dans leur lieu d’étude.

Dans cette période:

Le Programme National 1968 1999

 

Le Programme National de la Faculté de droit de McGill a été mis sur pied pour répondre au désir d’avoir des carrières mobiles qu’exprimaient de nombreux étudiant.e.s. En effet, de plus en plus de diplômé.e.s d’universités anglophones quittaient le Québec pour obtenir un diplôme en common law plutôt que de s’inscrire au programme de droit civil offert en anglais à McGill. Grâce au Programme National, les étudiant.e.s ont pu d’ajouter une année à leur parcours afin d’obtenir deux diplômes : l’un en droit civil, l’autre en common law. À cette même époque, davantage de cours en français ont été ajoutés au programme d’études, contribuant ainsi à un environnement plus bilingue. Le doyen de l’époque, Maxwell Cohen (LL. D. 1994), a joué un rôle déterminant dans l’adoption de ce changement pédagogique sans précédent qui mènerait à la diplomation du premier « avocat canadien aux compétences vraiment universelles ». Il était fréquent que plus de la moitié des étudiant.e.s d’une promotion optent pour le Programme National et obtiennent deux diplômes.

Dans son article « The National Law Programme at McGill: Origins, Establishment, Prospects », le professeur Rod Macdonald (1948-2014; ci-dessus), explique le rôle bien particulier que jouait – et joue encore – l’Université McGill dans la communauté juridique canadienne. À ses dires, le Programme National :

« […] a toujours existé et n’a jamais existé. Toujours, car les considérations d’ordre curriculaire et savant qui ont mené à son rétablissement officiel en 1968 caractérisaient déjà l’éducation en droit à McGill depuis au moins 1848; et jamais, car étant donné sa nature, personne ne pourra réellement mettre en œuvre le cursus qu’ambitionne le programme, ni même le définir en termes transcendants. »

La création de l’Office de révision du Code civil du Québec

 

En 1955, le gouvernement du Québec a entrepris une réforme du Code civil du Bas-Canada, en place depuis 1866. C’est ainsi qu’en 1965, Paul-André Crépeau, alors professeur à la Faculté de droit, a été nommé à la tête de l’Office de révision du Code civil, où il superviserait les travaux de rédaction jusqu’à la publication du nouveau Code civil du Québec en 1977. Dans un article sur le sujet, Paul-André Crépeau décrit les objectifs de l’Office : « Notre ambition est de produire un instrument qui définira, en termes aussi clairs et nets que possible, les règles de base régissant les relations privées entre les citoyens. » Ci-dessus, Paul-André Crépeau et le principal Robert Bell penchés sur la version préliminaire du Code civil du Québec.

Dans sa version définitive, le Code a reçu la sanction royale en décembre 1991 et est entré en vigueur en 1994. Son processus de recodification a été l’un des plus ambitieux jamais entrepris dans une société de droit civil. Des membres de la Faculté de droit de l’Université McGill ont participé de manière prépondérante à la révision, notamment Ethel Groffier (D.C.L. 1972) et Madeleine Cantin Cumyn, respectivement deuxième et troisième femmes professeures à la Faculté, qui ont toutes deux fait partie de l’Office de révision. Au nombre des membres et des diplômés de la Faculté ayant travaillé à l’Office durant ses près de vingt années d’existence figurent (B.C.L. 1949, LL. D. 1985), Yves Caron, Louis Baudouin et l’hon. Jean-Louis Baudouin (B.C.L. 1958, LL. D. 2007).

John W. Durnford : le doyen à vélo

 

John W. Durnford (B.C.L. 1952) était un amoureux de Montréal et de l’Université McGill, où il a obtenu son diplôme de premier cycle en 1949 et son baccalauréat en droit en 1952. Après avoir exercé le droit pendant plusieurs années, il devient professeur à la Faculté de droit en 1959, puis doyen en 1969. John W. Durnford a eu une influence positive non seulement sur ses pairs et ses étudiant.e.s, mais aussi sur l’ensemble de la communauté juridique du Québec.

Grand défenseur de l’aide juridique, il a connu des victoires remarquables. Lorsque Robert Cooper (B.C.L. 1969) met sur pied une clinique juridique faisant appel à des étudiant.e.s, le Barreau soutient que ces derniers y pratiquent le droit illégalement. John W. Durnford prend alors le parti de la clinique et des étudiant.e.s, et rencontre le bâtonnier du Barreau de Montréal Philip Vineberg (B.C.L. 1939) en 1969. Aux menaces de ce dernier, il répond : « Je suppose que vous allez devoir tous les arrêter, et que McGill va devoir les défendre ». Sa véhémence a porté ses fruits et la clinique juridique deviendra plus tard un modèle pour la rédaction de la Loi sur l’aide juridique du Québec.

Le prix d’excellence en enseignement de la Faculté de droit a été rebaptisé en l’honneur de John W. Durnford à la fin des années 1990. Après la mort du professeur en 2017, nombreux ont été les étudian.e.ts et les collègues à lui rendre hommage, notamment son ancien étudiant Paul Moen (LL. B. 1993), qui écrit : « Le professeur John Durnford a non seulement donné vie au droit fiscal, mais il l’a fait en inspirant ses étudiant.e.s par son énergie, son sens de l’humour et sa volonté de faire de la Faculté de droit de McGill une institution de calibre national et international ». À ses réalisations universitaires et professionnelles s’ajoute une passion pour le cyclisme; on le voyait fréquemment arriver à la Faculté à vélo vêtu d’un complet trois-pièces et toujours avec le sourire.

Les professeures pionnières

 

La professeure Jane Glenn (à gauche) devient en 1971 la première professeure de la Faculté de droit, où les femmes n’avaient enseigné jusqu’alors qu’à titre de chargées de cours. Avant d’entamer sa carrière à McGill, elle obtient un baccalauréat en droit à l’Université Queen’s et une maîtrise en droit à l’Université de Strasbourg. Tout au long de sa fructueuse carrière universitaire, elle a été un modèle important pour les étudiantes en droit. Elle a enseigné le droit des biens et le droit du développement international, et a aussi été professeure à l’École d’urbanisme de McGill. Son mari, H. Patrick Glenn, a lui aussi été professeur à la Faculté. Lorsqu’on lui a demandé quels avaient été les moments les plus marquants de sa carrière à McGill, la professeure Jane Glenn a mentionné le plaisir qu’elle avait eu à interpréter Stompin’ on my Heart lors d’une soirée Skit Nite aux côtés des professeurs Roderick Macdonald et Ralph Simmonds, et à jouer dans la pièce Trial by Jury.

La professeure Ethel Groffier (au centre) devient la deuxième femme du corps professoral de la Faculté de droit en 1972, puis la première professeure à obtenir une charge de cours complète en 1974. Cette réalisation était loin d’être sa première : avant d’entamer sa carrière en enseignement, elle a joué un rôle important à titre de membre de l’Office de révision du Code civil du Québec. Plus tard, en collaboration avec Gérald Goldstein (LL. M. 1982, D.C.L., 1993), elle a publié des versions révisées de l’ouvrage Droit international privé pour le Barreau du Québec.

La professeure Madeleine Cantin Cumyn (à droite) a rejoint la Faculté de droit en 1977 en tant que Boursière Wainwright junior avant d’être engagée comme professeure en 1991 puis de se voir confier la Chaire Wainwright en droit civil en 2005. À l’instar d’Ethel Groffier, elle a travaillé à l’Office de révision du Code civil avant d’entamer une carrière universitaire. Sa contribution à la révision du Code civil s’est par la suite poursuivie en collaboration avec le Barreau du Québec.

Skit Nite : la Faculté sous les feux de la rampe

 

Skit Nite est une tradition chérie par la Faculté de droit de McGill et qui remonte à des temps immémoriaux. Organisé par l’Association des étudiant.e.s en droit, l’événement annuel consiste en une soirée de sketches, de chansons et parfois de vidéos qui se moquent avec bienveillance des divers aspects de la Faculté, notamment de l’enseignement transsystémique et des professeurs. Les premières soirées Skit Nite avaient lieu sur le campus, dans le Centre universitaire des étudiant.e.s. Dans les années 1990, les organisateurs ont déplacé l’événement au Club Soda, sur le boulevard Saint-Laurent, où il a encore lieu aujourd’hui. Au divertissement que procure le spectacle s’ajoute une dimension philanthropique, puisque les recettes de la vente de billets sont versées à des œuvres de bienfaisance locales.

La première édition connue de l’événement remonte à 1973, comme l’atteste une lettre que Maxwell Cohen a envoyée cette année-là à la présidence de l’Undergraduate Law Student Society pour l’informer qu’il serait ravi d’assister à la « petite soirée de sketches ». Il est possible que la soirée Skit Nite ait existé avant cette date, quoiqu’aucune trace n’en subsiste.

Il n’y a pas que les étudiant.e.s qui se donnent en spectacle lors de cet événement : les membres de la Faculté sont aussi de la partie! Le désormais célèbre numéro musical annuel des professeures Rosalie Jukier (B.C.L. 1993, LL. B. 1983) et Shauna Van Praagh (ci-dessus), qui interprètent des chansons du groupe ABBA, épate la galerie depuis plusieurs années. On peut voir sur YouTube l’ancien professeur David Lametti (B.C.L. 1989;, LL. B. 1989), aujourd’hui ministre de la Justice, dans une série de sketches tirés de Skit Nite, notamment le sketch « Speed Dating of Law » où il participe aux côtés de son épouse Geneviève Saumier (B.C.L. 1991, LL. B. 1991), elle aussi professeure. La coutume veut que le doyen soit aussi de la fête. D’ailleurs, l’ancien doyen et professeur Daniel Jutras est aussi en vedette dans une vidéo sur YouTube, grattant sa guitare et chantant « Chancellor-Day Hall » sur l’air de Skyfall.

La création des Annales de droit aérien et spatial

 

Les Annales de droit aérien et spatial ont été fondées en 1976 par Nicolas Mateesco Matte, Ph. D., qui voulait en faire un forum pour les contributions scientifiques des étudiant.e.s et diplômé.é.s de l’Institut de droit aérien et spatial et de leurs collègues. Elles sont dorénavant « […] une référence incontournable du domaine du droit aérien et spatial, et on les trouve dans la plupart des bibliothèques universitaires, des bureaux gouvernementaux et de compagnies aériennes, et des cabinets d’avocats spécialisés ». Grâce à leurs articles originaux, rédigés en anglais et en français par des universitaires et des praticiens de haut calibre, les Annales permettent à l’Institut de se maintenir au premier plan de l’aérospatiale.

Né en 1913 à Craiova, en Roumanie, Nicolas Mateesco Matte a entrepris sa longue et florissante carrière à l’Institut de droit aérien et spatial de McGill en 1961 à titre de professeur invité. À sa nomination au poste de directeur en 1976, il a insufflé un vent de renouveau à l’Institut en créant les Annales de droit aérien et spatial et le Centre de recherches en droit aérien et spatial. Outre ses nombreuses réalisations dans le domaine du droit aérien et spatial, pour lesquelles il a notamment reçu le prix de l’Institut international de droit spatial de la Fédération internationale d’astronautique en 1978, il a aussi influencé la société québécoise par son travail à titre de commissaire chargé du volet des groupes ethniques de la Commission d’enquête sur la situation de la langue française et sur les droits linguistiques au Québec, en 1968.

Warren Allmand et l’abolition de la peine de mort au Canada

Malgré des sondages laissant entendre que 70 % des Canadiens étaient favorables à la peine de mort en 1976, le Solliciteur général du Canada Warren Allmand (B.C.L. 1957) a déposé la même année le projet de loi C 84 afin de modifier le Code criminel en ce qui a trait au meurtre et aux autres infractions graves. Adopté de justesse (majorité de 131 voix contre 124) et en dépit de son rejet par un tiers du caucus, ce projet de loi a aboli la peine de mort au Canada en la rayant du Code criminel. Dans un discours prononcé devant Amnistie internationale l’année suivante, Warren Allmand déclare : « La peine capitale, par son caractère immoral et inutile, doit être combattue et vaincue afin que nous puissions bâtir un monde où règnent la paix et la justice pour nos descendants. »

Ken Dryden : entre le droit et la patinoire

 

L’hon. Ken Dryden (CP; OC; LL. B. 1973) a présenté durant ses études un défi bien particulier à la Faculté de droit de l’Université McGill : comment faire en sorte qu’un étudiant puisse à la fois passer ses examens et prendre part à la finale de la Coupe Stanley? Il faut croire que la solution trouvée était la bonne, puisque deux ans après avoir aidé les Canadiens de Montréal à remporter les séries éliminatoires de 1971, le hockeyeur a décroché son baccalauréat en droit. Après la victoire des Canadiens, Robert E. Bell, recteur de l’Université McGill, et John Durnford (B.C.L. 1952), doyen de la Faculté de droit, ont publié la Résolution concernant Ken Dryden, où l’on pouvait lire : « McGill, berceau du hockey, célèbre avec fierté la contribution de Ken Dryden (LL. B. 1973) à la victoire des Canadiens de Montréal en finale de la Coupe Stanley ». Ci-dessus (au centre), une manifestation du soutien et de la fierté de McGill à l’égard de Ken Dryden au portail Roddick, sur la rue Sherbrooke, en 1971.

Si Ken Dryden allait finalement remporter six fois la Coupe Stanley avec le Canadien de Montréal, il ne s’en est pas tenu qu’au hockey. Comme homme politique, il a été élu au Parlement du Canada sous la bannière libérale, et a été ministre du Développement social de 2004 à 2006. Il a aussi enseigné le cours Thinking the Future to Make the Future à McGill, et publié Le match (The Game), un ouvrage à succès sur le hockey. Ses réalisations, saluées par le Canada et par son alma mater, lui ont valu respectivement le titre d’Officier de l’Ordre du Canada en 2013 et un doctorat honorifique en 2018.

La Faculté de droit et la politique québécoise

 

William Tetley (C.M.; c.r.) a été professeur à la Faculté de droit de 1976 jusqu’à sa retraite en 1998, conseiller municipal à la Ville de Mont-Royal de 1965 à 1968, et représentant de Notre-Dame-de-Grâce à l’Assemblée nationale du Québec de 1968 à 1976. Pendant cette dernière période, il a aussi occupé la charge de ministre des Institutions financières et rédigé la toute première Loi sur la protection du consommateur du Québec. Membre du conseil des ministres durant la crise d’octobre, il est l’auteur d’Octobre 1970 : dans les coulisses de la crise (The October Crisis, 1970: An Insider’s View), paru en 2006. En 1995, il a été décoré de l’Ordre du Canada.

L’hon. Claude Wagner (PC; c.r.; B.C.L. 1949) était juge et politicien provincial et fédéral. Après sa nomination à la Cour des sessions en 1963, il est élu à l’Assemblée nationale du Québec en 1964, devenant ainsi le tout premier ministre de la Justice de 1964 à 1966. De retour à ses activités professionnelles après sa défaite aux élections de 1970, il se fait élire deux ans plus tard au gouvernement fédéral. Il a terminé sa carrière politique en qualité de sénateur fédéral, de 1978 jusqu’à sa mort en 1979. Il était le père de l’hon. Richard Wagner, actuel juge en chef de la Cour suprême du Canada.

Gérard D. Levesque (B.C.L. 1949) a eu une longue carrière comme politicien au Québec, représentant le comté de Bonaventure pendant 37 ans. Il a été ministre de la Justice de 1975 jusqu’à la défaite du gouvernement Bourassa en 1976. Il a ensuite exercé la fonction de chef de l’opposition et a siégé à différents postes au conseil des ministres, notamment celui de ministre des Finances, qu’il occupait à son décès en 1993.

L’arrivée à McGill des premiers étudiant.e.s du cégep

 

En 1967, en pleine Révolution tranquille, sont créés les premiers C.É.G.E.P.s (Collèges d’enseignement général et professionnel). Ces établissements, que l’on ne retrouve qu’au Québec, proposent des programmes techniques ou préuniversitaires de deux ou trois ans qui constituent la première étape de l’enseignement supérieur.

La question de l’admission directe des étudiant.e.s des cégeps à la Faculté de droit était sur toutes les lèvres, les candidat.e.s devant habituellement obtenir un diplôme universitaire de premier cycle avant d’entreprendre des études en droit. Certains membres du corps professoral étaient d’avis que les étudiant.e.s du cégep n’auraient pas la maturité qu’exigeait une telle formation. L’Association du Barreau de l’Ontario, quant à elle, refusait d’admettre les étudiant.e.s n’ayant pas un premier diplôme universitaire. Cependant, la direction de la Faculté était consciente que l’on perdrait des candidat.e.s de haut calibre si on refusait l’admission aux cégépien.ne.s. C’est ainsi qu’en 1971, la Faculté de droit accueille ses premiers étudiant.e.s en provenance du cégep. Sur la photo, on peut voir le Collège Dawson, le tout premier cégep de langue anglaise, qui a ouvert ses portes en 1969.

Aujourd’hui, les étudiant.e.s qui arrivent du cégep représentent habituellement près du quart des promotions de la Faculté de droit. Ils obtiennent le même diplôme que leurs pairs et peuvent passer l’examen du Barreau n’importe où au Canada. Ci-dessus, le Cégep de Chicoutimi, ancien séminaire transformé en l’un des premiers cégeps en 1967.

La mouvance étudiants

 

En 1974, les étudiant.e.s en droit de McGill ont boycotté l’examen du Barreau du Québec en raison du taux d’échec élevé et du prolongement de la période de stage, que l’on faisait passer de six mois à un an. Leurs voix se sont fait entendre sur la question de la période de stage – elle a été rétablie à six mois seulement.

L’année 1969 a elle aussi été le théâtre de manifestations. En plein cœur de la Révolution tranquille, certain.e.s étudiant.e.s ont voulu faire de McGill une institution de langue française – un mouvement connu sous le nom de « McGill français ». En mars, 10 000 personnes – étudiant.e.s du cégep et de l’université, militant.e.s, travailleur.e.s – se sont rassemblées au portail Roddick de l’Université en scandant « McGill français ». Plusieurs réunions administratives de l’Université ont été aussi interrompues durant cette même période. Maxwell Cohen était alors doyen de la Faculté de droit et membre du Conseil des gouverneurs de McGill. On le voit ici face à un manifestant qui avait interrompu une réunion du Conseil.

Julius Grey (B.C.L. 1971), étudiant en droit et président de l’Association étudiante de McGill à l’époque du mouvement « McGill français », s’est opposé aux protestataires. Il est devenu professeur de la Faculté en 1977 et a enseigné jusqu’en 2002. Avocat, il arrive au deuxième rang pour ce qui est du nombre de cas plaidés devant la Cour suprême du Canada, avec plus de 50 comparutions. En 2004, il a reçu la Médaille du Barreau, la plus haute distinction décernée par le Barreau du Québec.

La position de la Faculté de droit lors du référendum de 1980

 

Le référendum québécois de 1980 a donné naissance à de nombreux slogans populaires. La phrase « J’y suis, j’y reste » a d’abord été prononcée par le général français Patrice de Mac Mahon pendant la guerre de Crimée, lorsqu’on lui conseilla de battre en retraite. En 1980, c’est F. R. Scott, professeur de la Faculté de droit de McGill, qui a introduit le slogan en sol québécois. L’ancien commissaire aux langues officielles Graham Fraser a relaté lors d’une conférence que « dans une réunion à Sherbrooke, un jeune homme a affirmé n’avoir rien à faire des minorités francophones hors Québec – que seule comptait la minorité anglophone au Québec, et que ses membres devaient partir au plus vite. “J’y suis, j’y reste”, a rétorqué Frank Scott… et la phrase allait devenir un slogan pour le camp du NON lors du référendum de 1980. »

En 1976, un mois après l’élection du Parti québécois, Alex Paterson (B.C.L. 1956, LL. D. 1994) a participé à la fondation du Comité d’action positive. Ce comité a joué un rôle essentiel dans la défense des droits linguistiques des Québécois non francophones et dans la campagne pour le NON dans les années qui ont précédé le référendum. En 1980, Thomas Mulcair (B.C.L. 1976, LL. B. 1977), futur leader de l’opposition officielle à Ottawa à la tête du Nouveau Parti Démocratique, était avocat au ministère de la Justice du Québec. Sur l’environnement de travail de l’époque, il a relaté : « Je me souviens d’un collègue, un autre avocat, qui m’a invité à m’asseoir avec lui au dîner et qui m’a littéralement harangué, me demandant sans arrêt, “Comment peux-tu voter contre le Québec?”. Et je lui répondais, “Je ne vote pas contre quelque chose, je votre pour conserver quelque chose : notre lien avec le Canada”. »

L’établissement d’une clinique d’aide juridique à McGill

 

La clinique d’aide juridique, aujourd’hui appelée la Clinique d’information juridique à McGill, a ouvert ses portes en 1973. Cette initiative étudiante menée par Michael Bergman (B.C.L. 1976, LL. B. 1976), avait pour but de donner un meilleur accès à de l’aide juridique à la collectivité et aux étudiant.e.s de l’Université McGill. Michael Bergman explique qu’à l’époque, les étudiant.e.s de la Faculté de droit avaient très peu d’occasions d’acquérir de l’expérience pratique. Pour contourner ce problème, Bergman a recruté pas moins de 40 étudiant.e.s, qui travaillaient bénévolement par tranches de deux heures dans un bureau isolé du quatrième étage du Centre universitaire des étudiants. L’année suivante, la clinique a déménagé dans un petit bureau au sous-sol.

En 2013, à l’occasion d’une conférence pour souligner le 40e anniversaire de la Clinique, Michael Bergman s’est adressé à l’auditoire : « Au fil des ans, des collègues ont commencé à me dire qu’ils avaient été bénévoles à la clinique. Et des professeurs. Et des doyens. Et des juges, des chefs d’entreprise, des politiciens… Pour un grand nombre de bénévoles, l’expérience acquise à la clinique a été transformatrice. » Aujourd’hui, la Clinique d’information juridique compte six directeurs à plein temps et plus de cent bénévoles étudiants. Il s’agit encore de la seule clinique juridique gérée entièrement par des étudiant.e.s au Canada, et on y informe plus 2000 clients par année. Selon Michael Bergman : « La clinique est un joyau. Et tout porte à croire qu’elle poursuivra ses activités encore des années et des années, indéfiniment. »

La Faculté de droit de McGill à la Cour suprême du Canada : Louis-Philippe de Grandpré

 

L’hon. Louis-Philippe de Grandpré (B.C.L. 1938) a été nommé juge à la Cour suprême du Canada en 1974 par le premier ministre Pierre Elliott Trudeau. Avant de siéger à la Cour suprême, Louis-Philippe de Grandpré a occupé plusieurs fonctions: il a d’abord été bâtonnier de Montréal, puis bâtonnier du Québec, et enfin président national de l’Association du Barreau canadien. Il a aussi, à l’occasion, donné des cours à la Faculté de droit de McGill au début des années 1960. Louis-Philippe de Grandpré avait été frappé vers la fin de sa vingtaine par la syringomyélie, une terrible et rare maladie qui avait presque entièrement paralysé le côté droit de son corps. Bien que de nombreux docteurs lui prédisaient une espérance de vie de cinq ans, il est décédé à l’âge de 90 ans, et son impressionnante carrière de 70 ans a été couronnée de nombreuses distinctions.

L’influence de la Faculté de droit sur la Charte des droits et libertés de la personne

 

Quatre ans avant l’adoption de la Charte des droits et libertés de la personne au Québec (1975), les professeurs F.R. Scott (B.C.L. 1927, LL. D. 1967) et Paul-André Crépeau ont déposé leur Rapport sur un projet de loi concernant les droits et libertés de la personne à l’Assemblée nationale. Ce document phare n’a pas seulement été une source d’inspiration lors de la rédaction de la Charte québécoise; il en est considéré le précurseur, la plupart de ses recommandations ayant été intégrées à la version finale de la Charte.

Jacques-Yvan Morin (B.C.L. 1952), jouant un rôle tout aussi important dans la création de la Charte québécoise, a publié en 1963 un article dans la Revue de droit de McGill intitulé “Une charte des droits de l’homme pour le Québec”. Il a été le premier à suggérer l’adoption d’une Charte des droits du Québec.